Oh! Que va devenir le Parc ?

par

Un sujet aussi passionnant que passionné. Un débat qui divise les supporters.
Un dossier capital, à triple titre : il s’agit de l’avenir du Paris Saint-Germain ;
il s’agit de l’avenir du Parc des Princes ; il s’agit d’un avenir qui s’écrira en commun, ou séparément. Une issue qui, si elle n’est pas irrémédiable, marquera l’histoire sur au moins plusieurs décennies ! A mes yeux, et cela me fait peur de le dire, il n’y a certainement rien eu de plus important dans la vie du club depuis cinquante ans, et son premier match au Parc des Princes le 19 novembre 1973,
contre le Red Star en Division 2.

Le 27 avril 2023, en déposant un dossier d’acquisition, le Paris Saint-Germain s’était positionné comme un acheteur potentiel du Stade de France. Quelques mois plus tard, le 3 janvier 2024, alors que les candidats au rachat ou à la concession de l’enceinte de Saint-Denis devaient confirmer leur position, le club et ses propriétaires sont restés muets. Le SDF fut-il un feu de paille ? Un simple mirage ? Ou une menace à demi voilée ? A peine le Stade de France mis aux oubliettes du côté de la Factory, le siège du PSG, qu’une autre facette du même dossier a été remise sur la table, reprise avec fougue à la Une de l’actualité : l’achat du Parc des Princes par le Paris Saint-Germain. Et si tel n’est pas possible, le club construira un nouveau stade, ailleurs. Essayons de comprendre les différents points de vue, de poser l’état des lieux, de définir les enjeux et les possibles solutions d’une affaire qui s’annonce bien plus complexe qu’elle n’en a l’air. Pour preuve, sa récurrence et sa longévité, le stade et le Parc étant un sujet qui préoccupe le club depuis plus de vingt-cinq ans.

Si vous êtes supporters du PSG, vous n’êtes certainement pas sans connaitre le slogan « Le Parc est à nous, Saint-Denis on s’en fout … ». C’est bon, au moins pour un temps, Saint-Denis on s’en fout ! Mais le Parc est à nous ? La question est réellement posée aujourd’hui : à qui est le Parc ? Qui est, ou doit-être, le « nous » ? Ma position, presque une posture, est une vision romantique, que certains qualifieraient aussi de nostalgique. Je l’assume parfaitement : le Paris Saint-Germain, c’est le Parc des Princes. Et l’expression est valable dans l’autre sens : le Parc des Princes, c’est le Paris Saint-Germain. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire, je peux ainsi vous citer un extrait du site Internet du club : « Le Paris Saint-Germain est indissociable de son stade mythique, le Parc des Princes, là où s’écrit l’histoire des Rouge & Bleu. » L’argument est ainsi infaillible, et ne souffre d’aucune contestation.

Ce constat ne dit toutefois rien de l’appartenance, de celui qui doit posséder le stade. Son propriétaire est la Mairie de Paris, et je vous l’avoue, cela me convient parfaitement. Je considère que le Parc des Princes fait partie du patrimoine parisien, au même titre que les plus illustres monuments de la ville, et qu’il ne peut pas être considéré comme un simple bâtiment pour lequel on peut faire commerce. Il n’est tout simplement pas à vendre, peu importe le prix, et l’identité de l’acheteur. Telle est la position actuelle de la Mairie, que je partage en tout point.

Un style inimitable © Icon Sport

Un ami, abonné au Parc depuis plusieurs décennies, m’a soumis récemment la question suivante : « Mais pourquoi veux-tu à tout prix que le Parc reste dans le giron de la Mairie, si c’est pour le laisser crever sans projet ? C’est ça la question. Quel serait le projet pour le Parc sans le PSG ? » Il part du principe que si le PSG n’obtient pas l’achat du Parc des Princes, alors il le quittera. Ton stade, tu l’achètes, ou tu le quittes ! Certes, son interrogation ne manque pas de fondement, et nous y reviendrons, mais n’oublions pas que, pour le moment, le Parc des Princes n’est pas à vendre. Or, comment est-il possible d’acheter un bien qui n’est pas à vendre. La Mairie de Paris n’étant pas vendeuse, elle n’a pas à avoir un nouveau projet pour le Parc. Le sien est le projet en cours, c’est à dire un contrat qui lie les parties jusqu’en 2043, sous la forme d’un bail emphytéotique, un jargon technique qui désigne un bail immobilier de longue durée. Voilà le projet de la Mairie. Ne perdons pas de vue que c’est le présent locataire qui remet en cause l’existant, pas le propriétaire.

La redevance courante serait composée d’une part annuelle fixe d’un million d’euros, augmentée d’une part variable allant de 3% à 7% du chiffre d’affaire en fonction des revenus du Parc des Princes, de quoi porter le loyer payé annuellement par le PSG a quasiment cinq millions d’euros. Une clause accordant le naming du stade, accolé au nom « Parc des Princes », existerait également, pour un surplus de 3% du montant du loyer annuel. Autant de frais que le club aimerait se dispenser, lui qui a déjà investi depuis 2013 des dizaines de millions d’euros pour rénover l’enceinte, et qui en prévoit bien plus pour les travaux à venir. Les conditions de ce bail emphytéotique furent à l’époque gérées par Jean-Claude Blanc, qui a quitté ses fonctions à la direction du club la saison dernière. Un détail qui, dans l’état actuel des pseudo négociations, n’en est peut-être pas un.

Le Paris Saint-Germain doit acheter le Parc des Princes. Voici l’avis de la majorité des supporters, qui prennent ainsi ouvertement parti pour le club. J’y vois deux raisons principales : d’une part, une position simplement anti Mairie de Paris et anti Anne Hidalgo, également une posture que beaucoup aiment adopter ; d’autre part, une position chauvine ouvertement pro-club, que le PSG lui-même entretient. Le 29 novembre 2022, en pleine Coupe du Monde au Qatar, le président du PSG, Nasser al-Khelaïfi, lâche la phrase suivante dans le journal espagnol Marca : « Je crois que la Mairie ne veut pas que nous restions [au Parc], elle nous met la pression pour que nous partions ». Laquelle fait suite à une précédente intervention quelques jours plus tôt, cette fois dans Bloomberg, un média américain : “Paris mérite un meilleur stade […] notre meilleure option serait de ne pas bouger, mais la ville de Paris nous force à le faire”. Des propos réitérés début 2024, après le dernier épisode du Stade de France. Les réseaux sociaux des supporters parisiens s’enflamment, prenant fait et cause pour le club. La pression est renforcée par des articles cherchant à dénicher les sites d’accueil possible, et des exemples appuyés par les hommes politiques locaux, comme à Poissy ou à Montigny-le-Bretonneux.

Les arguments de ceux qui souhaitent que le Parc des Princes appartienne au PSG sont assez compréhensibles, et pour être pragmatique, tout à fait logiques. Ils se décomposent en deux phases, résumées ainsi : pour continuer son développement, et générer encore plus de revenus les jours de match, notamment en billetterie haut de gamme, le club doit repenser son stade, et voir plus grand que les 48 000 places du Parc ; ces travaux nécessaires ne doivent pas être à la charge du PSG, qui aujourd’hui n’est que locataire. Et d’après le président Nasser al-Khelaïfi, le propriétaire municipal ne souhaiterait pas procéder au financement, et mettrait des freins à l’expansion du stade jusqu’à 60 000 places.

J’ai procédé à une rapide étude des principaux stades européens, me concentrant sur les quatorze clubs finalistes de la Ligue des Champions depuis 2005, hormis le PSG. La capacité moyenne de leurs stades est d’un peu plus de 68 000 places, deux seulement étant inférieurs au Parc des Princes, à savoir le Juventus Stadium à Turin et Stamford Bridge, l’antre du Chelsea FC. Ceux de Liverpool et de Manchester City sont quant à eux légèrement supérieurs. Il apparaît donc légitime, qui plus est avec le bassin de population de Paris et de l’Île-de-France, que les dirigeants parisiens souhaitent avoir un stade de plus de 60 000 places, voir proche des 70 000. Attention toutefois de ne pas s’y tromper, il paraît peu probable que les 12 000 nouvelles places ne soient réservés aux ultras ou aux abonnés lambda. L’objectif ne serait sûrement pas d’élargir les tribunes populaires, au tarif les plus bas, mais certainement d’augmenter considérablement le nombre de sièges VIP pour les Hospitalités et les Entreprises, ceux à la plus forte rentabilité.

Cela fait partie du business plan du club. Je le comprends. Mais mon regard n’est pas aussi capitaliste sur la question. Je pense que le PSG peut continuer à exister dans un Parc des Princes à 48 000 places. Certes il aurait atteint un plafond dans le développement de ses revenus, ce qui pour une entreprise est difficile à imaginer et à projeter, mais rien ne l’oblige à passer à un stade de 60 000 places pour survivre. Il peut construire un business plan sur son stade actuel de 48 000, et se contenter d’une telle surface sans chercher par tous les moyens de s’accroître encore. Je sais que ce discours est difficilement entendable pour un chef d’entreprise comme pour beaucoup de supporters, mais il existe, il peut être un scénario possible. Ce qui fait un grand club et sa réussite ne réside pas uniquement dans le nombre de sièges qu’il y a dans son stade, mais dans l’esprit qui l’habite.

L’évidence s’affiche © Icon Sport

Un autre argument avancé par les « pro-club » est qu’un locataire ne paie pas pour les gros travaux. Oui, cela est vrai dans l’immobilier classique. Mais sommes-nous dans un cas classique ? Non. Le bail emphytéotique est justement la logique inverse, comme l’explique très bien la définition suivante : « Ce type de bail confère au preneur un droit réel sur la chose donnée à bail, en général un terrain ou un bien immobilier. C’est à ce dernier d’améliorer le fonds tout en acceptant de régler un montant de loyer très faible. Les améliorations de la chose donnée à bail bénéficient en fin de bail au propriétaire (aucune indemnité n’est due au locataire également appelé emphytéote). En revanche, le bien ne peut être profondément changé ou détérioré par une action délibérée du locataire ; il peut toutefois procéder librement à des améliorations sur le fond autres que celles prévues par le bail. Il peut ainsi, sans avoir à obtenir l’accord du propriétaire, construire ou démolir à sa guise. L’emphytéote a toutefois l’obligation que les travaux qu’il entreprend augmentent la valeur du bien. » Voilà que tout est clair.

En ce qui concerne le Parc des Princes, deux types de travaux sont en réalité à prévoir. Il y a ceux de structure, obligatoires étant donné l’état actuel du Parc des Princes, bâtiment qui date de 1972. Cette rénovation devra être réalisée coûte que coûte, et peu importe le propriétaire. La Mairie de Paris n’a toutefois certainement pas l’argent pour effectuer une telle œuvre. Le PSG s’y refuse s’il n’est pas propriétaire du stade. Et donc, d’autre part, les travaux d’agrandissement, pour répondre à l’ambition du business plan des dirigeants du club. Ces travaux reviendraient à le modifier fondamentalement, et contribueraient finalement à construire un nouveau stade, mais dans l’enveloppe du Parc des Princes, en gardant l’attache affective et géographique. Un projet qui serait déjà validé par les architectes du Parc, mais qui se confronte tout de même à quelques limites : le boulevard périphérique qui passe en dessous ; garder la structure actuelle du stade pour ne pas totalement le défigurer ni le détruire ; enfin l’éternelle question, qui pour payer les travaux ?

La bagarre sur la propriété du stade n’est pas qu’une question romantique sur la garde du patrimoine parisien. Elle est surtout une donnée financière, et foncière. Comme avec l’inauguration récente du Campus Paris Saint-Germain à Poissy, l’un des plus importants et performants centre d’entraînement au monde, les Qataris souhaitent posséder un stade, le Parc ou un autre, pour augmenter encore davantage la valeur du club estimée aujourd’hui à plus de 4,25 milliards d’euros. L’émirat du golfe Persique est déjà l’un des plus importants propriétaires d’actifs à Paris, en France et au Royaume-Uni, et il n’a pas l’habitude d’être un simple locataire. Quand on sait en plus que le Qatar est exonéré d’impôts sur les plus-values immobilières qu’il réalise en France, il aurait tort de se priver. Mais la logique est la même du côté de la Mairie de Paris, fortement endettée. Elle préfère garder le Parc dans ses actifs plutôt que de le vendre pour une bouchée de pain. Evalué à 350 millions d’euros [ce qui n’est vraiment pas élevé étant donné sa superficie et sa localisation], nul doute que si une vente s’opère, considérant juste les travaux de structure à prévoir, la valeur du bien sera certainement négociée fortement à la baisse. L’intérêt sera alors bien minime pour la Mairie, si ce n’est de ne pas se retrouver avec un stade vide sur les bras au cas où le PSG s’enfuirait vers une autre contrée.

Un autre ami, grand supporter du Paris Saint-Germain lui aussi, m’a glissé l’analyse suivante : « Le Parc des Princes est obsolète … avec des travaux on repousserait l’échéance, qui sera inéluctable, versus un stade tout neuf. Le coût au final sera le même. » Vous l’aurez compris, lui, comme quelques autres, est favorable à la construction d’un tout nouvel écrin, dont le club serait bien sûr propriétaire. Dans le football du 21ème siècle, le stade est une donnée centrale du projet. Pour maximiser les recettes, il doit permettre le meilleur accueil possible du public, dans et aussi autour de l’enceinte. L’important est également d’optimiser les revenus premium, comme nous l’avons indiqué précédemment. Avoir, et si possible posséder un stade ultra-moderne et totalement flexible afin de le faire vivre quasi-quotidiennement n’apparaît plus comme une option, mais comme une obligation. Si d’ailleurs les Qataris sont allés chercher l’investisseur américain Arctos Partners, fin spécialiste du développement des franchises sportives qui vient d’entrer fin 2023 dans le capital du club parisien à hauteur de 12,5%, c’est avec une certaine idée derrière la tête, et pas forcément celle de faire quelques menus travaux de rénovation dans notre vaisseau de la Porte de Saint-Cloud, ou même de l’agrandir d’une dizaine de milliers de places, ce qui apparaît déjà comme assez compliqué.

Alors, le PSG pourrait-il construire un nouveau stade ? La première partie de la réponse réside dans son contrat actuel avec le Parc des Princes. Est-il possible de résilier le bail qui court jusqu’en 2043 ? D’après le 1er adjoint à la Maire de Paris Emmanuel Grégoire, interrogé par plusieurs médias le 12 janvier 2024, cela est impossible. Il faudrait toutefois disposer du contrat pour en connaître les clauses et pouvoir affirmer que le PSG ne peut, en aucun cas, rompre son bail. N’ayant pas ledit contrat, je ne peux rien vous assurer. J’ai en revanche pu récolter sur Internet ces quelques informations. D’une part, que si un emphytéote souhaite se désengager de son bail, il doit effectuer une cession ou une donation à un tiers. D’autre part, d’après un article trouvé dans Les Echos en date du 1er décembre 2022, que « le bail [actuel du Parc des Princes] comprend également une clause obligeant le PSG à verser une « pénalité financière égale à sept ans de redevance » en cas de désengagement. » Deux indices semblant montrer que rien ne serait impossible. Surtout que, si on a bien appris une chose depuis 2011, c’est que le terme « impossible » ne fait pas partie du vocabulaire qatari !

Admettons donc qu’ils arrivent à se désengager demain du Parc des Princes. La question serait alors de savoir où ils pourraient implanter un stade flambant neuf de plus de 60 000 places avec l’environnement adéquat pour les accueillir en terme de transport, de sécurité, de commerces, … ? Tout en gardant un minimum de liens avec l’histoire du Paris Saint-Germain, et la ville de Paris. Pas uniquement la Mairie, mais le territoire. N’oublions pas que si les Qataris ont acheté le PSG en 2011, ce n’est pas uniquement parce que le club était en décrépitude et à une valeur ridiculement basse, mais aussi et surtout parce qu’ils pouvaient capitaliser sur l’aura de la Ville Lumière et l’image mondialement connue de la Tour Eiffel. Autant d’atouts que ne possèdent pas la banlieue parisienne, ni Saint-Denis, ni Saint-Quentin-en-Yvelines, ni même Poissy, même si cette dernière est à proximité de Saint-Germain-en-Laye et qu’elle héberge le nouveau Campus Paris Saint-Germain. Mettons de côté ces destinations trop lointaines et peu pratiques. Plus proche, la question est alors de disposer d’un terrain suffisamment grand et accessible. Les hippodromes de Saint-Cloud, de Longchamp et d’Auteuil sont ainsi des possibilités, un milieu hippique dans lequel les Qataris ont aussi le bras long. Ces sites en sont-ils pour autant crédibles ? Celui de Saint-Cloud ne semble pas tenir la corde : en dehors de Paris, difficile d’accès, et comme la Mairie de Paris, le propriétaire France Galop, ne serait, paraît-il, pas vendeur. Celui de Longchamp, où se déroule chaque année le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, se situe en plein cœur du Bois de Boulogne, et vient d’être intégralement rénové en 2018. Deux éléments qui ne plaident pas en faveur du projet d’un nouveau stade. Le favori dans ce tiercé est bel et bien l’hippodrome d’Auteuil, situé en bordure du Bois de Boulogne, entre la Porte d’Auteuil et la Porte de Passy, à quelques encablures du stade de Roland Garros, du stade Jean Bouin et … du Parc des Princes. Sa localisation et son état délabré sont des arguments majeurs. Le fait qu’il appartienne à la Mairie de Paris, et qu’il se situe en bordure de chics habitations du 16ème arrondissement en sont deux freins indéniables. Ces dossiers paraissant compliqués, voire infaisables pour certains d’entre eux, d’autres rumeurs ont émergé ces derniers jours, évoquant la reconversion d’immeubles de bureaux vides en un stade flambant neuf, du côté de Paris la Défense, ou de Rueil 2000. Beaucoup de critères pourraient alors être cochés, comme des terrains à Paris ou tout proche, mais n’appartenant pas à la Mairie, une facilité d’accès, et cerise sur le gâteau, une proximité accrue avec un grand nombre d’entreprises d’envergures internationales, et tous les cols blancs qui y travaillent, autant de clients potentiels pour accroître les revenus du club, ce qui, rappelez-vous, est le principal, voire unique objectif.

Le projet de construire un nouveau stade serait quoi qu’il arrive un dossier difficile à monter. Il faudrait négocier puis acheter le terrain, obtenir tous les permis de construire, passer outre les réserves et blocages des riverains, et des écologistes, puis lancer et finaliser la construction. Je vous laisse imaginer le délai avant d’arriver à l’inauguration. Je comprends néanmoins la position du PSG de vouloir posséder son propre stade, qui est son principal outil de travail et pourvoyeur de revenus. La plupart des clubs anglais sont aujourd’hui propriétaires de leur enceinte, et la tendance s’installe en Allemagne, deux des pays où le football est une activité commerciale de premier plan. Et même si ce statut de proprio’ n’existe quasiment pas en France, hormis à Lyon, Auxerre et Ajaccio, ce modèle est une évidence aux Etats-Unis, là où règne le sport comme divertissement. Pour ma part j’aimerais que le Paris Saint-Germain se contente d’installations simples sans fioritures mercantiles à outrance, mais j’ai bien conscience que ce n’est pas ce que souhaite QSI, ni leur nouvel associé Arctos Partners.

Concernant la vente du Parc des Princes, j’ai une crainte qui me taraude. Qui serait le véritable propriétaire ? Serait-ce le PSG, l’entreprise QSI, ou la SESE, la Société d’Exploitation Sports et Evénements, qui est aujourd’hui l’entité qui loue le Parc. Un premier indice, les trois appartiennent au Qatar. Une question naïve : qu’est-ce qui empêcherait les Qataris, une fois qu’ils auraient acquis le Parc des Princes via la SESE ou le PSG, d’en déposséder le club et à terme d’en faire deux structures distinctes ? Qu’est-ce qui empêcherait le PSG, une fois le Parc des Princes acquis, de le détruire et de construire à la place un nouveau stade flambant neuf correspondant davantage à ses attentes et ses besoins. Quels garde-fous dans les travaux du Parc si le PSG en devenait propriétaire ? Le Parc des Princes n’est en effet pas protégé au titre des Monuments historiques. Une idée que je soumets en passant serait qu’une telle classification soit demandée par la Mairie de Paris afin de s’assurer de la sauvegarde et de la pérennité du bâtiment tel que nous le connaissons aujourd’hui, et peu importe son futur propriétaire.

Une vente n’est donc pas forcément la meilleure idée pour s’assurer de l’avenir du Parc des Princes, malgré toutes les belles promesses qataries. Il existe toutefois une solution pour ne pas le vendre, mais pour que le PSG y reste très durablement, qu’ils supportent financièrement les travaux en les amortissants convenablement et en s’y sentant comme chez lui. Nous l’avons déjà évoqué, et ce n’est rien d’autre que la situation actuelle, à savoir le bail emphytéotique. Celui-ci peut être signé pour une durée allant jusqu’à 99 ans, autrement dit une perspective bien plus lointaine que 2043, qui est déjà une durée respectable. Le Paris Saint-Germain ne serait pas propriétaire à proprement dit, mais il serait comme chez lui, tout en étant protégé. Le PSG c’est le Parc des Princes. Et sans le PSG, le Parc ne serait plus rien. D’accord, mais l’achat n’est pas obligatoire, contrairement à ce que nous font croire les propriétaires actuels du club. Ne pas vendre, mais rester au Parc, oui, le compromis est possible. Du moins pour ceux qui ne peuvent pas imaginer le PSG quitter le Parc des Princes.

Les représentants de la Mairie de Paris disent que ceux du PSG ne discutent plus, ne se mettent plus autour de la table pour dialoguer. C’est qu’ils veulent acheter, et savent que le Parc n’est pas à vendre. Ils ont déjà été recalé publiquement, et ce n’est pas dans l’habitude du Qatar, qui en France est plutôt habitué à obtenir ce qu’il désire. Il leur suffit bien souvent juste de sortir le carnet de chèque. Le refus de la Mairie de Paris peut ainsi être considéré comme un affront. Il n’y a donc pas, ou plus de discussion possible, puisque les deux positions sont, a priori, inconciliables, et ce malgré tous les réseaux d’influence dont dispose le Qatar en France et à Paris. Mais justement, il n’est pas difficile de penser que les Qataris temporisent car ils savent qu’il y aura bientôt des élections municipales, même s’il faut encore attendre plus de deux ans, puisque ce sera au printemps 2026. Et si la Mairie passait de l’autre côté de l’échiquier politique, au hasard, chez Les Républicains. On peut alors supposer que la position de la Mairie serait éventuellement différente. Sans compter sur un allié de poids en la personne de Nicolas Sarkozy, proche par exemple d’une certaine Rachida Dati, qui, même si on ne sait pas quelle sera son étiquette, a déjà annoncé son intention de briguer le poste d’Anne Hidalgo. Si en revanche la majorité actuelle reste en place, le dossier risque d’être fermé jusqu’en 2032. Huit ans, ou le temps peut-être nécessaire pour construire un nouveau stade …

Ce soir où face à Dortmund le Parc s’est suffit à lui même © Icon Sport

Existe-t-il réellement une issue convenable, pour les amoureux à la fois du PSG, du Parc des Princes, et des deux ensembles ? Le Parc n’est plus tout jeune. Le rénover comme s’il était neuf va coûter très cher. Mais construire un nouveau stade ailleurs sera très long. Les Qataris ont toutefois du réseau et des milliards, la question est de savoir quel est le temps qu’ils se sont donnés pour atteindre leur objectif. Je ne pense pas qu’ils soient spécialement pressés, une dizaine d’années n’est pas forcément un frein pour eux. Cette problématique du Parc, ou d’un nouveau stade, est un sujet capital, mais très épineux. Que ce soit les décideurs, ou nous simples supporters, nous n’avons pas fini de nous faire des nœuds dans le cerveau, alors qu’aucune solution ne semble idéale. En tout cas quand on aime le PSG, quand on aime le Parc des Princes, et qu’on considère que l’un ne va pas sans l’autre.

Pour certains supporters, c’est le Parc ou rien. Pour d’autres, qui adoptent une position très pragmatique, le Parc a fait son temps, et doit laisser place à une nouvelle enceinte ultra-moderne. Parmi eux, certainement une partie des plus jeunes, et ils sont de plus en plus nombreux, le Parc des Princes ne représente pas grand-chose. Ils sont prêts à en partir sans états d’âme. Admettons que construire un nouveau stade prenne une dizaine d’années. A ce moment-là, les supporters parisiens les plus attachés au Parc auront bien vieilli, et pour beaucoup, ils auront commencé à quitter les gradins. Ne resteront en majorité que les plus jeunes, ceux qui justement sont moins fidèles au Parc. La plupart de ceux qui sont prêts à suivre les dirigeants du club dans leurs envies de voir beaucoup plus grand, ou d’aller voir ailleurs.

Reposons-nous alors cette question initiale : quel pourrait être le projet de la Mairie de Paris pour le Parc des Princes si jamais le PSG le quittait prématurément avant l’échéance de son bail ? J’ose un scénario qui, si on y réfléchit bien, n’est pas aussi improbable qu’il n’y paraît. La municipalité pourrait utiliser une autre carte, et accomplir l’ambition de beaucoup de passionnés de football à Paris, à savoir pousser pour un deuxième grand club parisien, et réimplanter le Paris Football Club au Parc, plus de quarante ans après son dernier match en tant que club résident. Le business plan là aussi serait clair : faire monter le PFC et pérenniser une place en Ligue 1, poussé par des actionnaires comme le Royaume du Bahreïn [petite île à quelques kilomètres du … Qatar], et d’autres investisseurs comme le brésilien Rai, légende du … PSG ! Le tout avec des tarifs populaires et dans un stade dont les 48 000 places seraient suffisantes. C’est le président Francis Borrelli qui se retournerait dans sa tombe, lui dont la Tribune Présidentielle du Parc porte le nom.

Permettez-moi cette question pour conclure : et vous, si le PSG quittait le Parc des Princes, que feriez-vous ?


Diverses sources utilisées :

https://www.psg.fr/club/parc-des-princes

https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-23/paris-saint-germain-considering-leaving-home-stadium-stake-sale?leadSource=uverify%2520wall

https://www.lepoint.fr/sport/pourquoi-le-psg-tient-il-absolument-a-acheter-le-parc-des-princes-12-01-2024-2549597_26.php

https://www.legalplace.fr/guides/bail-emphyteotique/

https://www.sportstrategies.com/accord-trouve-entre-le-psg-et-la-ville-de-paris-pour-le-parc-des-princes/

https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/cinq-questions-sur-le-conflit-entre-le-psg-et-la-mairie-de-paris-sur-le-parc-des-princes-1884672

https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Monuments-Sites/Monuments-historiques-sites-patrimoniaux/Les-monuments-historiques


Benjamin Navet

Une réflexion au sujet de « Oh! Que va devenir le Parc ? »

  1. Salut,

    Merci d’avoir rappelé quelques basiques :

    – La Mairie de Paris n’a aucune raison de vendre un de ses biens les plus iconiques, d’autant plus à une entreprise de spectacle qui réalise des bénéfices substantiels

    – Le PSG s’est mis tout seul dedans en réalisant un lifting insuffisant pour l’Euro ce qui fait qu’il est lié jusqu’en 2043

    – On est aussi dans une bataille de communication où les perspectives d’élection et de se mettre l’opinion publique dans la poche est primordial

    Mais la découverte du loyer me laisse sans voix, 1M€ pour générer 153M€ de revenus billetterie c’est un sacré bon ratio et quand on sait que Marseille paye 8M€/an pour son stade avec une partie prise en charge par la mairie on se dit qu’on paye un loyer de logement social pour un duplex dans le 16eme. Et qu’on se conduit comme un locataire qui se plaint d’avoir payé pour repeindre et qui maintenant se plaint parcequ’il veut installer un ascenseur.

    Il y a un truc avec le projet de construction de stade ailleurs c’est que c’est un pistolet à un coup. Le jour où le PSG annonce qu’il a un projet, ça veut dire qu’il part, pas vraiment de retour en arrière possible sauf à perdre complètement la face. Et l’urbanisme c’est pas une science vraiment exact et qui oblige à devenir publique très en amont du projet. Il n’est pas possible de complètement sécuriser un projet en amont dans le secret. Tu peux sécuriser la volonté d’un élu mais derrière il y a tout un tas de procédures qui peuvent faire capoter ton projet, révision du PLU, dépôt du permis de construire, enquêtes publiques, environnementales… Et tu restes pas à l’abri d’être balayé d’un revers de main d’un politique national : rappelez vous du projet d’europacity au triangle de gonesse.

    Aussi, la musique d’ambiance : « après nous le déluge », bof. En effet il y a un toujours le serpent de mer du deuxième club parisienne mais il y a d’autres solutions, les sections féminines existent (bien qu’une seule ne suffira pas) et il reste la Fédération de Rugby qui a du abandonner son projet de stade propre. L’imagination des porteurs de projets peut être sans limite.

    Et enfin, on souligne pas assez comment le blocage des négociations sur le prix est du fait du PSG, qui aurait proposé en première offre 37M€. Quand tu commences sur une base d’un Thilo Kherer il est difficile de ne pas quitter la table des négociations.

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de